Entretien avec Cyril Castaing

Ci dessous un extrait du très bel et inspirant entretien avec Cyril Castaing, ancien élève de Sazaki Senseï au Iokaï Shiatsu.

Entretien avec Cyril Castaing :

Auteur : Antoine Di Novi – Publié le 01/03/2020 sur www.shiatsu-france.com

Cyril Castaing

L’intégralité de l’article est à lire sur le site shiatsu-france.com

ADN : Comment en êtes-vous arrivé à la pratique du shiatsu ?

CC : Après quelques voyages en Asie, lorsque j’avais une vingtaine d’années, je me suis intéressé au bouddhisme, au taoïsme et à la médecine chinoise. Mais concrètement, c’est par la pratique du zazen que j’y suis venu. Dans le dojo où je pratiquais, il y avait aussi un cours de shiatsu. Cela m’a tout de suite passionné, mais au départ, je ne pensais pas du tout devenir praticien, j’étais ingénieur et le shiatsu était plutôt pour moi un espace de découverte et de recherche sur le corps et l’énergie.

ADN : Que pouvez-vous nous dire sur votre formation au Iokai, celui en Europe, celui au Japon ?

CC : L’école Iokai en France est dirigée par Sasaki senseï qui était un éléve de Masunaga. Comme beaucoup d’enseignants japonais, il a une énergie très forte et une personnalité unique. Il donne au Iokai Europe son dynamisme et son originalité. Sasaki Senseï est un vrai chercheur qui ne se contente pas de répéter ce qu’il a appris, il est ouvert à tout ce qui  le nourrit dans sa recherche.

Au Japon, je suis allé au centre Iokaï à Tokyo, mais je n’y ai pas suivi de cours. Je suis plutôt allé voir Suzuki senseï, que m’avait conseillé Sasaki. Il avait quitté l’école Iokaï et avait créé la sienne. C’est un personnage complètement différent et qui avait donc un enseignement complètement différent ! Même les méridiens n’étaient pas tous les mêmes…

ADN : Étudier avec des maîtres japonais comme Susuki Sensei ou Sasaki Sensei est une expérience riche j’imagine?

CC : Oui, car la culture différente de la notre nous oblige à changer nos paradigmes dans l’apprentissage et à laisser de côté nos habitudes. Les cours au Japon que j’ai suivi en tout petit groupe, composé essentiellement de praticiens de shiatsu, était une expérience intéressante du point de vue de la pratique en elle-même mais aussi de la culture.

ADN : Avez-vous déjà travaillé avec des professeurs occidentaux, français ? Que pensez-vous alors des Maîtres Japonais à propos de leur posture, leur discours par exemple ? 

CC : Si vous voulez parler de la différence entre les enseignants japonais ou français, bien sûr, il y a une distinction culturelle, même si chaque personne est aussi unique.

Je n’aime pas trop les généralités, mais pour autant, il y a une vraie différence d’approche dans l’apprentissage.  

Au Japon, quel que soit le domaine, le professeur est un « senseï », étymologiquement « celui qui est né avant », et donc que l’on écoute, car il « sait ». Il a un statut beaucoup plus respecté qu’en France. L’envers de cette tradition, c’est l’absence quasi-totale d’esprit critique, de remise en cause de ce qui est dit et parfois aussi un peu d’hypocrisie dans les relations.

La relation maitre-disciple reste très ancrée pour les japonais. Cela peut être merveilleux, avec un vrai maitre, lorsqu’il s’agit de transmettre l’indicible, mais cela peut aussi être catastrophique lorsque l’égo s’en mêle, en installant un rapport hiérarchique et de pouvoir, pas beaucoup plus élaboré que le modèle du « male dominant » que l’on retrouve dans beaucoup de groupes, humain ou animal…

ADN : Et quel lien voyez-vous entre le Zen et le Shiatsu ?

CC : On dit que le bouddha était le grand médecin car il soignait la souffrance à la racine. D’après le bouddhisme, mais aussi la plupart des spiritualités avec leurs propres mots, c’est par la reconnaissance de notre vraie Nature que l’être humain peut se libérer de la souffrance.

Santé et spiritualité ont donc toujours eu un lien, mais spécialement en orient où le corps n’est pas délaissé et fait partie intégrante de la pratique quotidienne. De ce fait, les moines- médecins étaient nombreux en Chine, au Tibet ou au Japon.

Toutefois, il y a une énorme différence et souvent de la confusion entre les pratiques de santé énergétiques, martiales et spirituelles. L’objectif n’est pas le même. Il faut différencier la souffrance de la douleur mais aussi la santé et l’éveil à sa vraie nature.

La vraie paix n’est pas conditionnée par une bonne ou mauvaise santé, ni par l’acquisition de telle ou telle capacité, physique ou mentale…

S’il est évident qu’en revenant à une plus grande profondeur d’être, de nombreux fonctionnements physico-psychiques s’harmoniseront naturellement, il est faux de penser qu’un sage ne tombera pas malade ou qu’il a des pouvoirs spécifiques.

A l’inverse, ce n’est pas parce que l’on a la « maitrise » de son corps, que l’on possède une grande énergie ou même des pouvoirs spécifiques, que l’on est éveillé à sa vraie nature et encore moins que l’on est un sage réalisé. Ce n’est pas parce que l’on prend conscience des énergies subtiles que l’on est plus près de la vérité. C’est même parfois pire…

De nombreux pratiquants de disciplines énergétiques, ou encore plus martiales, se sont au contraire encore plus identifiés à leur corps, leur pratiques, leurs savoir-faire, leurs pouvoirs etc..  

Plutôt que de les libérer, ces pratiques n’ont fait que les emprisonner dans des croyances encore plus tenaces car elles ont renforcé leur égo.

Et malheureusement, cela touche aussi de nombreux professeurs de ces pratiques, avec en plus, souvent, la prétention de « savoir », d’être dans le vrai et la volonté de maintenir une image d’eux conforme à ce que doit être un vrai maitre… Une catastrophe intérieure, pour eux, et souvent aussi pour leurs élèves qui restent hypnotisés. Tout ceci traduit seulement une forme d’enfantillage et un manque de maturité intérieure.

ADN : Avez-vous déjà travaillé avec des professeurs occidentaux, français ? Que pensez-vous alors des Maîtres Japonais à propos de leur posture, leur discours par exemple ? 

CC : Si vous voulez parler de la différence entre les enseignants japonais ou français, bien sûr, il y a une distinction culturelle, même si chaque personne est aussi unique.

Je n’aime pas trop les généralités, mais pour autant, il y a une vraie différence d’approche dans l’apprentissage.  

Au Japon, quel que soit le domaine, le professeur est un « senseï », étymologiquement « celui qui est né avant », et donc que l’on écoute, car il « sait ». Il a un statut beaucoup plus respecté qu’en France. L’envers de cette tradition, c’est l’absence quasi-totale d’esprit critique, de remise en cause de ce qui est dit et parfois aussi un peu d’hypocrisie dans les relations.

La relation maitre-disciple reste très ancrée pour les japonais. Cela peut être merveilleux, avec un vrai maitre, lorsqu’il s’agit de transmettre l’indicible, mais cela peut aussi être catastrophique lorsque l’égo s’en mêle, en installant un rapport hiérarchique et de pouvoir, pas beaucoup plus élaboré que le modèle du « male dominant » que l’on retrouve dans beaucoup de groupes, humain ou animal…

ADN : Est-ce que vous pratiquez un style original ou bien originel celui de Shizuto Masunaga, le Zen Shiatsu ?

CC : Oui, je ne peux pas dire que je pratique tel type de shiatsu, je pense que j’ai une pratique qui s’est transformée au fil du temps et avec les années à travers toutes les rencontres et le échanges que j’ai eu, comme la plupart des praticiens, je pense…

Pour avoir expérimenté pas mal de shiatsu différents, mais aussi d’autres pratiques manuelles, il me semble que le principal ne réside pas dans la méthode, bien qu’elle ait son importance, mais dans la présence du praticien.

Chaque école, chaque maitre, a sa propre méthode, et en grande partie, leurs efficacités potentielles ne viennent pas de la technique mais de celui qui la pratique.

ADN : Pensez-vous que pratiquer le Zazen peut aider un professionnel en shiatsu à s’améliorer, dans sa pratique je veux dire ?

CC : Peu importe la pratique du zazen ou d’autre chose, mais tout ce qui nous ramène à notre profondeur d’être ne peut qu’être une aide. Elle ne nous apporte pas « quelque chose » directement, au contraire même, elle nous enlève, partiellement et temporairement souvent, une partie du voile qui nous éloigne de l’ouverture au présent. Or c’est en retournant à notre présence que la compréhension est plus claire et nos gestes sont naturellement plus ajustés. C’est donc une aide appréciable pour toute activité, mais particulièrement pour le shiatsu.

ADN : Je rappelle que vous êtes ingénieur en télécommunication et avez un D.E.A de Mathématiques, quel lien faites-vous avec les pratiques manuelles traditionnelles ? le shiatsu ? la méditation ?

CC : Un scientifique au départ est un chercheur. Et si on est un peu perspicace, un chercheur de vérités devient rapidement un chercheur de « la Vérité ». Peu importe notre point de départ, les questions essentielles seront identiques même si elles peuvent se formuler différemment.

On comprendra alors que ces réponses ne trouveront jamais d’issues sur le plan mental, pour la bonne raison que la vérité n’est peut pas être un objet de notre mental. La réponse est au niveau du vécu et nous sommes cette réponse vivante. Le tout est d’en prendre pleinement conscience.

L’avantage du scientifique, c’est que normalement -mais ce n’est pas toujours le cas en fait ! – il s’en remet à l’expérience et non aux croyances. Donc le vrai scientifique, celui qui s’affranchit de tous les concepts et de ses savoirs pour s’appuyer sur la pure expérience devient, de fait, un vrai chercheur spirituel.

De mon point de vue, le chercheur authentique doit s’affranchir de son statut de scientifique ou de religieux, car il doit se dénuder de toutes ses croyances…Et c’est seulement à ce moment qu’il peut « vivre » la vérité au-delà de tout dogme.

Dans tous les cas, nous tomberons obligatoirement sur la même chose, car « la vérité est une », quel que soit le mot que nous lui donnerons. Chacun en fonction de sa sensibilité utilisera les siens. Mais les mots ne sont jamais ce qu’ils pointent.

Ma pratique du shiatsu est orientée par cette recherche, car je considère que ce qui aide profondément, c’est ce qui va pouvoir être initier comme mouvement à l’intérieur du corps/mental à partir de l’ouverture sans filtre au présent, tel qu’il est, c’est-à-dire donc à partir de ce que nous sommes profondement.

…………..

ADN : Quels sont vos conseils pour que les professionnels shiatsu améliorent leur pratique ?

CC : Je n’aime pas trop donner des conseils aux autres… Je peux juste expliquer mon approche et si cela résonne chez la personne tant mieux pour elle. Pour répondre tout de même à la question d’une autre manière, je dirai donc que ce qui m’a le plus apporté dans mon approche, et qui continue de m’enrichir, c’est d’arrêter de « vouloir faire quelque chose de bien » pour la personne qui vient recevoir un shiatsu. Juste rester ouvert à ce qui est présent, s’enlever du milieu en tant que praticien et revenir en tant qu’être, dans notre espace commun et partagé et donc ne plus dresser de séparation avec l’autre.

Dans ce cas, les barrières s’affranchissent et la séance se déroule dans un climat de grande paix et d’accueil du présent sans résistance. C’est dans ces moments propices que le corps et le cœur s’ouvrent alors, que les Tsubos et les zones en besoin se manifestent librement et que les mouvements de réajustements viennent naturellement pour essayer de rétablir un équilibre global. Car en définitive, c’est la personne elle-même qui trouve toujours la solution…

Merci à Cyril et à Shiatsu France de nous avoir donné l’autorisation de reproduire un extrait de l’interview.

L’intégralité de l’article est à lire sur le site shiatsu-france.com